Les confidences du Cygne
Au cours de mes études de psychogénéalogie, j’ai eu l’occasion de découvrir l’histoire incroyable de la lignée des Bourreaux, ces hommes maudits, aux mains rouges du sang humain, qu’ils ont fait couler depuis le Xème siècle.
Je vous livre l’incroyable vie de ces parias qui ont accepté de réaliser ces “crimes” légalisés que leurs semblables refusaient de faire…
Tout a commencé sous l’Ancien Régime avec la succession familiale quasi automatique des professions de père en fils. Il en était de même pour les mariages.
Cet état de fait était encore plus flagrant chez les Bourreaux, à cause de l’isolement venant de leur fonction. Il les plaçait hors de la société.
Il existe même un parallèle troublant entre la destinée des Rois et celle de ces parias. Pourquoi ?
Un souverain ne pouvait épouser qu’une femme de Haute lignée. Quant au sort des Bourreaux, il connut cette même nécessité, lorsqu’entre le Xème et le XIIIème siècle, la criminalité entraîna la création d’un poste à plein temps au cœur des grandes métropoles.
D’un côté, la foule s’abreuvait du spectacle des exécutions publiques, de l’autre elle rejetait impitoyablement ceux qui se chargeaient de ces basses besognes.
Il leur fut alors interdit de vivre en ville, sauf dans la maison dite du pilori. Ils durent porter des vêtements spéciaux (souvent de couleur rouge) ou arborer un signe distinctif qui renseignait les habitants sur leur profession.
Au fil du temps, les gens fuyant leur compagnie, les Bourreaux ainsi que leur famille se virent rejetés, bannis et exclus des écoles ou des boutiques. Seuls les prêtes les traitèrent comme des citoyens ordinaires.
Beaucoup d’entre eux ne supportèrent pas cette terrible mise à l’écart. Rappelez-vous que, même au sein d’une boulangerie, le pain du Bourreau était retourné et cette tradition se perpétue encore aujourd’hui, même si beaucoup ignorent son origine liée à la mort.
En revanche, ceux qui résistèrent à ce farouche rejet créèrent une véritable dynastie.
Quelle femme s’avérait assez forte pour accepter le sort du Bourreau, sinon une fille issue de la même condition ? Ainsi le fils du Bourreau épousait-il la fille de son confrère établi dans une ville voisine.
au fil des générations, ces exclus s’employèrent à rentabiliser leur état, et une grand nombre devinrent fort riches. Ils revendiquèrent la possession de leur office, obtinrent des lettres de provision du roi. Certaines familles devinrent même propriétaires de provinces entières. Non seulement ils percevaient un salaire à l’issue de chaque exécution, mais ils jouissaient aussi du droit de havage (prélèvement d’une “poignée” de toutes les marchandises apportées sur les marchés…)
La famille la plus connue se nommait les Sanson, titulaires de l’office de Paris durant six générations, de père en fils, pendant un temps plus conséquent que ne le vécurent les rois.
De 1688 à 1778, ils portèrent tous le prénom de Charles et le curieux diminutif de “chariot”. La population parisienne en était l’origine. D’ailleurs, jusqu’en 1981, date de la suppression de la guillotine, celle-ci portait le charmant surnom de “bascule à Chariot”.
Comme les rois qui assuraient la succession au trône dès leurs jeunes années, les fils de bourreaux assistaient aux exécutions à partir de cinq ans pour prendre la relève à seize ans.
L’un des fils de la famille de Charles III Sanson refusa d’embrasser la profession et il décida d’apprendre le beau métier de serrurier. Son nom étant lié à la mort, il fit fuir la clientèle et mourut dans la misère à Provins en 1874.
Au cours du XVIIIème siècle, en comptabilisant fils, gendres, oncles et cousins, il y avait parfois jusqu’à neuf exécuteurs dans la même famille. Lors des assemblées familiales, leurs valets prirent l’habitude de les appeler en fonction de la ville dans laquelle ils exerçaient, afin de les distinguer : Monsieur de Tours… Monsieur de Blois… Monsieur de Paris.
Le 25 avril 1792, la guillotine fut inaugurée en place de grève en décapitant un voleur de grand chemin Nicolas Jacques Pelletier.
Pendant la période révolutionnaire, elle servit jusqu’à 2742 fois, en comptant bine entendu Louis XVI et Marie-Antoinette…
Alors est-il tout à fait normal de se demander comment les descendants de ces familles réussissent-elles à dépasser une si longue et pénible transmission ?
Quel métier peuvent-ils exercer dans l’espoir d’apaiser la souffrance occasionnée aux exécutés ?
Quel poids inconscient peut les handicaper à leur insu ?
Entre un prénom lourd de charges attribué systématiquement à chaque fils, des mariages plus souvent arrangés que consentis et l’obligation de perpétrer le même métier, quelle résilience devront-ils accomplir afin de s’extraire d’un tel arbre dont les racines baignent dans le sang des citoyens ?
PS : Jacques Delarue est l’auteur du livre “Le métier de bourreau” paru en 1979 aux Éditions Fuyard.
bonsoir,
oeuvrant dans une association pour le patrimoine ( historique etc ) le sujet du livre me surprend et attire ma curiosité. Je me souviens enfant, il n’était pas question de mettre le pain à l’envers, même maintenant cela me dérangerait de le voir à l’envers.
je viens tout juste de découvrir vos éditions : “j’aime”
Cordialement